Ces jours où nous n’avions pas cours étaient un peu plus supportables, ou dirais-je moins ennuyeux que ceux où nous étions obligés de rester assis à écouter des professeurs. Je n’avais pas à subir leur autorité, enfin un peu moins. Le seul moment où l’on avait une « contrainte » était l’heure du déjeuner et du dîner, que nous ne pouvions évidemment pas changer.

J’avais décidé de faire un tour dans le parc, histoire de me changer les idées. J’avais l’impression de ne rien apprendre en cours, tout ce que je connaissais de ce monde, je l’avais appris par moi-même, avec mon frère ; nous nous étions éduqués tous deux. Les entraînements auraient pu être attrayants si je pouvais m’exercer sur quelqu’un. Or, vu ma capacité, je n’avais pas vraiment l’autorisation de la pratiquer. Sa seule facette exploitable ici était la manipulation, et encore…

Alors voilà, je trainais sans vraiment savoir quoi faire. Mon pouvoir me démangeait, ça faisait trop longtemps que je ne l’avais pas utilisé « correctement ». Mais bon, à part le pratiquer sur une plante… Pas mal d’élèves marchaient ici, et ça ne me plaisait pas. Ils étaient tous en groupe, trop heureux de ne pas avoir cours. Je m’écartai alors du chemin principal pour me rapprocher de ce qui apparaissait comme de la verdure, du moins ce qui commençait à repousser ; il y avait néanmoins des arbres à disposition. Et c’est vers l’un d’eux que je me dirigeai. Je m’assis à son pied et reposai ma tête contre son tronc, soupirant.

C’est alors que ça arriva. Ma poitrine se compressa et je m’empressai de serrer mon cœur d’une main, un rictus douloureux me barrant le visage. Je sentais mon sang affluer trop vite dans mes veine au point de faire bouger légèrement mes membres sans que je ne le veuille ; je suffoquai presque. C’était affreux, je n’avais jamais ressenti ça, même les atrocités que nous faisaient les adultes à Vuxna ne m’avaient pas atteints à ce point. Je tentai de me relever presque en gémissant avec une main qui agrippait des écorces de l’arbre lorsque j’entendis un frottement. Avec la lucidité qu’il me restait, je me redressai pleinement et cherchai vivement du regard d’où pouvait venir le bruit ; j’aperçu un bras. Il était de l’autre côté de l’arbre et j’en fis le tour en trébuchant plusieurs fois, à la limite de l’écroulement sous la douleur.

C’est là que je la vis. Une jeune femme… « choquée ». Elle avait les yeux écarquillés, et ne bougeait quasiment pas, si ce n’était ses bras et ses jambes qui avaient l’air de frétiller de temps à autres. Etait-elle la cause de tout ça ? J’avais en tous cas l’occasion de lui demander, car je tombai à côté d’elle…